Qu’est-ce que l’eugénisme ?

 

« Ce que la nature fait aveuglément, lentement et sans pitié, l’homme peut le faire avec prévoyance, rapidité et bonté. Dès lors qu’il en a la capacité, il est de son devoir de travailler dans cette direction. L’amélioration du cheptel humain me semble être l’objectif le plus élevé que nous puissions raisonnablement atteindre. Nous ignorons les fins ultimes de l’humanité, mais nous sentons assurément qu’il est noble d’œuvrer à élever son niveau, au sens que nous avons expliqué, autant qu’il serait honteux de l’abaisser. » C’est ainsi qu’en jugeait Galton, l’inventeur de l’idée moderne d’eugénisme.

« Le mot « eugénisme » a été inventé par Galton en 1883 (en anglais : eugenics à partir du grec eugénès, qui signifie « bien né »). Étymologiquement, l’eugénisme (ou eugénique) est la science des bonnes naissances. Une science qui se prétend fondée sur le darwinisme et la génétique ou, plus exactement, qui prétend en être l’application à la société humaine.

On distingue en général deux formes d’eugénisme, le négatif et le positif.

L’eugénisme négatif veut empêcher la multiplication des individus qui sont supposés « inférieurs » d’un point de vue biologique, psychologique ou intellectuel. Il postule que cette « infériorité » est héréditaire, et prétend interdire (plus rarement, déconseiller) auxdits individus d’avoir des enfants. Les méthodes employées sont plus ou moins brutales et coercitives : interdiction de mariage, enfermement, mais aussi et surtout stérilisation (c’est essentiellement dans ce cas qu’on parle d’eugénisme). La version la plus dure est l’élimination physique pure et simple des individus « inférieurs », elle ne fut guère pratiquée de manière systématique que dans l’Allemagne nazie.

L’eugénisme positif veut, lui, améliorer la société en encourageant la reproduction des individus « supérieurs », voire en l’organisant, soit dans des « haras humains » où des reproducteurs choisis sont priés de procréer, soit grâce à des banques de sperme de grands hommes (on pourrait maintenant envisager des banques d’ovules).

Ces deux formes d’eugénisme se distinguent du darwinisme social – autre application de l’évolutionnisme à la société -, en ce qu’elles se fondent sur une plus ou moins forte intervention de l’État, via des législations plus ou moins contraignantes. Le darwinisme social, lui, est au contraire une doctrine du « laisser-faire », où toute intervention étatique est refusée. C’est un libéralisme extrême qui refuse jusqu’aux lois de protection sociale, afin de permettre à la sélection de jouer dans la société comme elle est censée jouer dans la nature, c’est-à-dire en éliminant les individus les moins compétitifs. Historiquement, cette forme libérale a été la première conçue (dès la publication de L’Origine des espèces) tandis que l’eugénisme a été théorisé un peu plus tard (dans les années 1880).

Darwinisme social, eugénisme négatif et eugénisme positif sont des doctrines apparentées qui interfèrent entre elles. Elles ont une version pessimiste (quand elles prétendent lutter contre la dégénérescence induite par la disparition de la sélection naturelle dans la société) et une version optimiste (quand elles prétendent améliorer l’espèce humaine et réaliser le surhomme, sur le modèle de l’amélioration des races animales domestiques). »

 André Pichot, La société pure, p.158-160.

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