Le pouvoir en 48 leçons ?

Le pouvoir… L’image même du bonheur… Rien qui s’oppose à ma volonté… Le dessus sur tout le monde… Le pied… Alors quand on nous propose un manuel facile pour avoir le pouvoir en 48 règles, ça vaut bien 18 euros ! Le pouvoir pour 18 euros… Power, de Robert Greene, les 48 lois du pouvoir… n°1 des ventes sur Amazon ! Ça y est, le monde est à nous, et pour 18 euros !

Loi 1 : « Ne surpassez jamais le maître. Ceux qui sont au-dessus de vous doivent toujours se sentir largement supérieurs. Dans votre désir de leur plaire et de les impressionner, ne vous laissez pas aller à faire trop étalage de vos talents, ou vous pourriez obtenir l’effet inverse, les déstabiliser en leur faisant de l’ombre. Faites en sorte que vos maîtres apparaissent plus brillants qu’ils ne sont, et vous atteindrez les sommets du pouvoir. » Voilà la clef : utiliser la vanité des hommes, manipuler leur folie, retourner leurs vices contre eux-mêmes… « Les sommets du pouvoir »… Les sommets ! C’est pas les basses-fosses ! Allez on continue, c’est prometteur…

Loi 7 : « Laissez le travail aux autres, mais recueillez-en les lauriers. » Et la loi 8 ? « Obligez l’adversaire à se battre sur son propre terrain. » C’est plein de bons conseils stratégiques et tactiques… Sûrement, l’auteur est un fin militaire. Ou un imposteur ? La loi 6 jette le soupçon : « Attirez l’attention à tout prix. Les gens jugent tout à l’apparence, ce qui n’est pas visible ne compte pour rien. » C’est vrai, mais du coup, le Robert Greene, il ne serait pas en train de se faire mousser ? Et si ces règles n’étaient qu’une apparence ? Et si sa « science » était une imposture ? S’agirait pas de m’envoyer au casse-pipe avec des conseils stratégiques bidons !

Voyons, il écrit encore : « Soyez honnête à bon escient : trouvez le défaut de la cuirasse, puis trompez et manipulez à loisir. » Mais le Robert Greene, il applique ces règles, en écrivant et vendant son manuel à 18 euros ? Si ses règles ne sont pas vraies, s’il n’est pas honnête, à quoi me servent ces règles ? « Trompez et manipulez à loisir »… Manipuler les hommes, y compris … son lecteur ? Le tromper lui aussi sur la marchandise ? Lui qui vient de payer 18 euros ? Pour atteindre les sommets du pouvoir ? Le Robert Greene, comme tous ceux qui promettent les clefs du pouvoir, ça ressemble un peu à un gars qui me dirait : « Écoute, je vais te dire un secret, je mens tout le temps, je manipule tout le monde, alors, faut pas m’écouter ». Hummm… Écoutons quand même la suite, juste pour rire…

Robert Greene, ce n’est pas du neuf : ça fait des siècles qu’il existe des stratèges de métier. Sun Tzu, l’auteur de L’art de la guerre, était un vrai stratège militaire : il parle en connaissance de causes, il a conduit des guerres. Machiavel ? Moins… L’auteur du Prince a tout de même étudié l’histoire, il pense pouvoir enseigner aux ambitieux l’art d’acquérir et de conserver le pouvoir politique. Il enseigne les ruses du pouvoir, à savoir « entrer dans le mal » quand c’est nécessaire tout en sauvant les apparences par la trahison, bref, à être « machiavélique ». Et Robert Greene, c’est quoi, sa spécialité ? C’est pas clair… Prétend-il enseigner au général ? A l’homme politique ? Non, à tout le monde. Les rapports de pouvoir, c’est partout, dans l’État, dans l’entreprise, même entre voisins ! Mais quand même, il y a un problème. On dit : « Le pouvoir ! », mais … le pouvoir de quoi ? C’est quoi, ce truc qu’ils appellent « pouvoir » ?

« Facile ! Le pouvoir, c’est quand tu as tout ce que tu veux !  » Hum… Genre, je suis malade, et je veux être en bonne santé ? Mais j’ai besoin de quoi, alors ? De savoir manipuler mon médecin ? Si une opération chirurgicale s’impose, mais que je ne veux pas perdre mon orteil nécrosé, j’ai le pouvoir … si je convaincs par tromperie et illusion mon médecin qu’un peu d’aspirine suffira ? Ben non, là, je meurs… Je n’ai pas plutôt intérêt à me laisser manipuler par lui ? Comment on appelle, en fait, le truc qui donne le pouvoir d’être en bonne santé ? « La médecine ? » La médecine. Et le pouvoir de faire des plats nourrissants ? La cuisine, non ? Finalement, le pouvoir de guérir, je l’obtiens en suivant un cours de médecine, ou un cours de manipulation des hommes ? Et celui de nourrir mes amis ? « Oui, mais tout ça, c’est long à apprendre : les 48 règles, elles permettent de ne pas s’embêter à apprendre la médecine et la cuisine ! » Si je comprends bien, elles permettent … à des incapables et des impuissants d’avoir l’air capables et puissants ? « Voilà !  » Mais quel bénéfice je tire, moi, à avoir un médecin incapable et un cuisinier impuissant ?

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